Pourquoi en numérique ? Un entretien avec Marie Fontaine

En 2011, nous étions peu nombreux à nous auto-publier en numérique, et tout naturellement j’ai rencontré Marie Fontaine via les réseaux sociaux. Nous tentions, dans un esprit d’entraide et de partage, de comprendre les rouages et les possibilités de cette nouvelle pratique balbutiante en France.

Au cours de ces deux années, j’ai échangé beaucoup avec Marie. C’est une auteure courageuse, généreuse et comme moi, elle est bilingue. Quelques ebooks plus tard… Je suis ravie qu’elle réponde aux cinq questions de la rubrique.

Marie vient d’auto-publier son premier roman, Gemini. Cette nouvelle publication lui a donné envie de partager son expérience sur l’auto-édition. Gemini est entré dans le Top100 Amazon dès sa sortie et a tenu 18 jours. Un beau record compte tenu de son prix. Je la laisse se présenter avec ses mots :

Je n’aime pas beaucoup parler de moi, je préfère laisser mes livres le faire à ma place…

Sachez seulement que le français n’est pas ma langue maternelle mais que je lui voue une passion sans bornes, au point de n’écrire que dans cette langue. Tous ses pièges sont pour moi des délices.

Marie Fontaine
Marie Fontaine

Je vis dans le sud depuis mon arrivée en France, à l’âge de deux ans. Dans ce cadre privilégié, je contemple la nature, la vie, la mort, les gens. J’essaye de restituer mes impressions dans mes écrits, nouvelles, courts récits, romans, et bientôt, une série en numérique, grande nouveauté pour moi.

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Marie Fontaine répond aux  5 questions

1.

 Pourquoi l’auto-édition et non pas l’édition ?

Je dois tout d’abord signaler que j’ai été éditée pour mon roman Gemini (version papier) par une maison d’édition traditionnelle, qui aujourd’hui n’existe plus, malheureusement… Malheureusement parce que le contact avec l’équipe était chaleureux, humain. L’auteur avait carte blanche, nous étions bien loin de l’écriture politiquement correcte exigée de nos jours par la plupart des grands noms de l’édition.

Un peu échaudée par cette herbe brusquement coupée sous mes pieds, je ne me voyais pas piocher de nouveau dans mes réserves d’énergie et  de temps, pour partir à la recherche d’un nouvel éditeur. Je ne voulais qu’écrire, sans être parasitée par ces à-côtés épuisants et chronophages. Je me suis donc tout naturellement tournée vers l’auto-édition. J’ai vraiment conscience que l’existence d’Internet, avec tous les outils proposés à la création, quelle qu’elle soit, est une véritable aubaine pour les artistes en général, et les auteurs en particulier, aussi bien professionnels qu’amateurs. J’ignore si je me serais lancée dans l’édition de mon écriture si La Toile ne s’était pas tissée.

Au-delà de l’évidente facilité, j’ai choisi l’auto-édition pour deux autres raisons…

La première : je suis du genre perfectionniste et j’aime l’idée de pouvoir garder un œil sur mes créations à chaque phase nouvelle. Avec l’auto-édition, je suis bien servie : je peux tout gérer, de A jusqu’à Z.

La seconde : je ne supporterais pas d’être censurée. Seule l’auto-édition offre ce respect-là à l’auteur. Je veux pouvoir garder ma liberté de ton, écrire ce que je veux, comme je veux. Je veux que mes textes soient publiés sans qu’aucune virgule n’y soit changée. C’est moi et moi seule qui écris mes textes (je n’ai pas de nègre!). En tant qu’auteur, je m’estime capable (et obligée) de donner à lire un texte impeccable, sans avoir à dépendre de l’avis de Pierre ou de Paul. Il m’est arrivé, par le passé, de demander l’avis de ce que l’on appelle des bêta-lecteurs. Ces avis, bien souvent, même s’ils se voulaient amicaux, auraient fini, si je les avais suivis, par dénaturer complètement ma plume…

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2.

Pourquoi le numérique ?

Je suis et serai toujours une fervente défenderesse du livre dans sa version papier. Mais j’estime qu’il serait regrettable de rejeter en bloc les nouvelles technologies. Personne n’a jamais pu stopper la marche du « progrès ». Les choses changent, en matière d’édition, nous assistons en direct à son évolution. Ce serait dommage de passer à côté et de se laisser engluer dans une attitude passéiste. J’ai donc pris mon courage à deux mains et je me suis penchée sur la question. De fil en aiguille, j’en suis arrivée à formater mes manuscrits de façon à les diffuser en numérique. En définitive, c’est relativement simple. Le numérique offre de nombreux avantages : facilité, rapidité, visibilité. Pourquoi s’en priver ? Cependant, je suis très inquiète quant à l’avenir du livre papier, je déplore les fermetures en cascade des librairies. Pour moi, l’idéal serait que numérique et papier se complètent plutôt que de se combattre. C’est pourquoi mes publications en numérique auront dans quelque temps leur pendant en papier.

3.

Qui a formaté ton e-book ?

J’ai plusieurs e-books édités en numérique, que j’ai moi-même formatés. Je suis loin d’être une spécialiste en informatique et j’ai surtout eu des problèmes au moment de passer à la conversion de mes fichiers en Epub ou Mobi. En demandant à droite à gauche sur le net, j’ai fini par savoir quels logiciels utiliser pour avoir le meilleur résultat possible.

Dans le cas de Gemini, comme je souhaitais bénéficier du Label Qualité Auto-édition, j’ai fait appel aux services de la plate-forme Auto-édition, gérée par Bruno Challard. Les services d’aide à l’édition de cette plate-forme sont gratuits, tous fournis par des bénévoles passionnés, dans le cadre d’un « Troc-services ». Il suffit de s’enquérir des disponibilités des uns et des autres pour avoir un délai de traitement des fichiers relativement court, une semaine, en gros.

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4.

Comment as-tu défini le prix de ton e-book ? Les raisons ?

J’ai jeté un coup d’œil aux prix pratiqués sur les sites de vente en ligne et j’ai essayé de couper la poire en deux. À moins d’1 €, sauf s’il s’agit d’une courte nouvelle, je pense que le livre perd toute sa crédibilité, le lecteur pensant que l’auteur brade ses ouvrages. Si l’on suit le cheminement de sa pensée, un ouvrage bradé ne peut pas être bon. Sinon, pourquoi l’auteur le braderait-il ? À l’inverse, on trouve des e-books dont le prix dépasse parfois très largement le prix de 10 €. Je trouve cela très prohibitif, il n’est pas normal qu’un livre numérique soit vendu quasiment au même prix qu’un livre papier, les coûts de fabrication du premier étant nettement plus bas. Pour ma part, un prix aux alentours de 5 € pour un roman est tout à fait correct. N’en déplaise à certains qui trouvent ce prix encore beaucoup trop haut, écrire n’est pas un jeu facile. C’est un travail à part entière pour lequel on en arrive très vite à ne plus compter les longues heures passées en recherches, écriture, relectures, corrections. Je suis désolée, mais tout travail mérite salaire.

5.

Sur la couverture de Gemini, ton premier roman, figure un Label Qualité Auto-édition. C’est le premier e-book que je vois avec ce label. Peux-tu expliquer de quoi il s’agit et comment ça fonctionne ?

L’idée de ce label est née en réaction à la vague de médiocrité de (trop) nombreux e-books auto-édités, qui font ombrage aux bons e-books et ne participent pas du tout à sortir l’auto-édition de son carcan de mauvaise réputation. On peut lire sur les sites de vente en ligne les témoignages de nombreux lecteurs en colère, parce qu’ils ont l’impression de s’être fait avoir. Ces lecteurs-là n’ont qu’une envie : tourner définitivement le dos aux auteurs auto-publiés. C’est pour leur donner des repères dans la jungle numérique que ce label s’est mis en place.

L’auteur qui souhaite en bénéficier adhère à la Charte Qualité et soumet son manuscrit aux contrôleurs du site Auto-édition, cité plus haut. Chaque contrôleur vérifie minutieusement les pages qui lui sont confiées et remplit une grille qui liste tous les critères « qualité » demandés. Tant que les objectifs ne sont pas atteints, le manuscrit est rejeté. Ces critères concernent plus particulièrement la forme. Le fond est plus délicat à traiter, c’est quelque chose de très subjectif, ce qui plaît aux uns déplaira aux autres et vice-versa. Les contrôleurs veillent tout de même à ce que les textes aient un minimum de cohérence et soient écrits dans un français correct. Je remercie ici mes trois contrôleurs : Bruno Challard, Jiva Bahati et Charlie Bregman.

Je suis très heureuse que Gemini ouvre le bal…  Merci beaucoup pour cette entrevue, Chris !

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Les blogs de Marie :

Marie Fontaine sur KAZEO

Ses chroniques sur DARKLIMELIGHT

Page auteur sur Amazon de Marie Fontaine

 

Lire les entretiens précédents d’auteurs auto-publiés :

Entretien avec Laurent Bettoni

Entretien avec Éric Nicolas

Entretien avec David Gaughran

Entretien avec Charlie Bregman

Entretien avec Agnès Martin-Lugand

Entretiens croisés avec Laurent Bettoni

Entretien avec Emily Hill

Entretien avec Fabienne Betting

Entretien avec Florian Rochat

Pourquoi en numérique ? est une série d’entretiens avec des auteurs autoédités en numérique, mais aussi d’autres acteurs qui font les corrections, le formatage, etc. et acceptent de travailler avec eux.

Si vous désirez un entretien veuillez lire les démarches à suivre. Si vous êtes auteur ici , si vous n’êtes pas auteur 

GOINGmobo, the Magazine of the Mobile Bohemian

Chris Simon _ Licence Creative Commons BY-NC

Photos  ©Marie Fontaine ©Julian Mason (Flickr CC BY 2.0)

1ère mise en ligne et dernière modification le 25 août 2013

9 réflexions sur “Pourquoi en numérique ? Un entretien avec Marie Fontaine

  1. Bonjour
    Je suis une romancière. J’ai publié 6 romans en version imprimée via une auto-entreprise d’édition. Je suis donc considérée comme auto-éditée. Je partage totalement les idées exposées par Marie Fontaine. J’ai réussi à transformer mes textes en livres numériques, fichiers epub sans DRM, grâce au logiciel Atlantis. J’aimerais bien, moi aussi, les faire évaluer, car ils sont certainement perfectibles !
    Or Mac Aphee m’informe que les liens donnés dans l’article, Auto-edition et Bruno Challard correspondent à des sites suspects aux pratiques douteuses…
    Mes romans imprimés se sont retrouvés sur Amazon à partir de leur enregistrement à la BNF. Comment s’y prend-t-on pour faire référencer des ebooks auto édités ? Faut-il également les déclarer à la BNF?
    Enfin, troisième question : lorsque Marie parle d’un prix raisonnable à 5€ pour un roman, et le roman français actuel étant particulièrement court, envisagerait-elle ce prix pour des romans de 1 100 000 à 1 200 000 caractères?… Personnellement, je monterais plutôt à 7-8€…

    1. Bonjour Simone, merci pour ta visite et ton message. Aucune idée pourquoi Mac Aphee déclare que le site auto-édité a des pratiques douteuses. Je le suis et y suis abonnée. Jamais eu aucun problème. Je vais passer le message à son propriétaire.
      Je crois que pour la version ebook, il te faut un nouveau numéro d’ISBN, à vérifier avec l’organisation qui délivre les numéros d’ISBN (l’afnil)
      La question du prix du ebook reste ouverte. Tout dépend de l’auteur, de sa notoriété aussi. Je te recommande de lire l’entretien avec Laurent Bettoni qui répond aussi à la question du prix d’un ebook : https://lebaiserdelamouche.wordpress.com/2013/07/16/pourquoi-en-numerique-un-entretien-avec-laurent-bettoni/
      Excellente journée à toi et merci de ton intérêt. Chris

    2. Bonjour Simone,

      Vous pouvez sans problème vous adresser au site Auto-édition. L’anti-virus McAfee a tendance à faire du zèle. Il a la réputation de procéder ainsi pour de nombreux autres sites.
      Les e-books auto-édités nécessitent un n° ISBN (facultatif) différent de celui de l’édition imprimée. Il suffit de demander une liste à l’organisme qui les gère.
      Oui, le prix de 5 € que je suggère convient plutôt pour des formats « courts ». Au-delà, il est bien évidemment conseillé d’augmenter ce prix, 7-8 € me paraissant, dans ce cas, tout à fait raisonnnables…

      Bien amicalement !

  2. Bonsoir Simone et Chris,
    L’avertissement de l’anti-virus Mac Aphee est dû au fait que le site Auto-Edition n’a pas un nom de domaine conventionnel (en .com ou .fr ou .org…).
    Et très bien pour l’article (avec Chris et Marie, ça ne pouvait qu’être bien).

  3. J’ai trouvé très intéressant ce commentaire de Marie Fontaine. En tant qu’édifice MORRIGANE ÉDITIONS (et auteur), j’envisage très sérieusement de compléter chaque livre paru par son équivalent en ibook, principalement en format Kindle chez Amazon car je pense qu’ils ont une bonne visibilité. Maintenant, la question que je me pose, est-ce rentable ? Le ibook ne coûte pas cher, à partir du moment qu’on maîtrise la technique informatique. Oui mais… se vend-il ?

    1. Bonjour Monique. Oui, l’ebook se vend. Il suffit de regarder le nombre de maisons d’édition numériques qui naît cette année ! C’est une bonne stratégie pour ta maison dédition de proposer la version numérique.
      Pour comprendre ce nouveau marché, je te conseille de lire les ebooks du top20 Amazon. Tu te feras une idée ce qui se vend le plus 😉 On vend aussi pas mal même si son ebook n’est pas continuellement dans le top100 Amazon . C’est le cas de ma série Lacan et la boîte de mouchoirs. Bonne chance et excellente journée.

      1. A vrai dire, si on est un minimum à l’aise avec les outils bureautiques, les coûts de réalisation d’un ebook sont plutôt marginaux par rapport à ceux de la version papier… Mais il y a quand même un certain apprentissage.

  4. La qualité paye. C’est le cas du roman de Marie Fontaine, « Gemini » que j’ai acheté et que je suis en train de lire avec délice malgré un été qui boycotte le farniente. Le livre est bon, bien écrit, sérieux dans la forme et rigoureux dans le fond. Le label qualité est mérité: pas moyen d’y dénicher la moindre faute ou infime coquille. Une véritable réussite! Marie Fontaine a raison lorsque elle dit qu’il ne faut pas mettre sur le ring les deux formes d’édition; elles se complètent bien et comme elle je suis désolé de la disparition programmée des petites librairies, un phénomène que j’ai observé dans les pays anglo-saxons.

    1. Merci pour ta visite et ton commentaire. Je transmets à Marie. Oui, les auto-publiés sont cappables de produire des livres de qualité. Ils respectent les lecteurs. Encore une fois merci. Excellente journée.

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