MON PROCHAIN GROS TRUC, si j’ose dire.

Mon prochain gros truc est l’adaptation française de The Next Big Thing, un mème viral dans lequel les auteurs exposent leur prochain projet puis invitent d’autres auteurs à faire de même sur leurs blogs respectifs.

C’est à Jean-Basile Boutak, un des auteurs de Historietas (ebook auquel j’ai participé) chez Edicool que je dois d’avoir été « tagué ».

ebook en vente sur Edicool, Amazon.fr et itunes
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L’expression « gros truc » en français me fait sourire, mais je comprends pourquoi cela n’a pas été traduit par grand machin ou grosse chose. 😉

Je dois avouer que j’aurais sans doute passé mon tour si je ne venais pas de finir un premier jet de mon roman en cours. Je n’aime pas vraiment parler de mes projets – peur de perdre l’énergie et le désir qui me portent. Mais je me suis dit, pour une fois, sois à la hauteur de tes personnages, fais face à tes peurs.


1. Quel est le titre de votre prochain texte ?

Je ne vais pas le dire, je veux faire la surprise !

2. D’où vous vient l’idée principale ?

De mon premier roman Ma mère est une fiction  chez Publie.net, dans lequel j‘ai fait se croiser quatre histoires. J’ai été sollicitée et encouragée sur les réseaux sociaux par des lecteurs (et même un éditeur) à développer l’une d’entre elles en roman, je me suis dit qu’ils avaient peut-être raison et j’ai essayé.

En vente sur Publie.net, Amazon, Bookeen, iBookStore...
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3. À quel genre appartient-il ?

Je ne pose jamais la question du genre. À tort peut–être ? Je me concentre sur l’histoire, les personnages. Cependant, je sens ce roman au croisement du roman d’anticipation et de l’uchronie.

4. Si votre texte était adapté au cinéma, quels acteurs verriez-vous dans les rôles principaux ?

Cette question me parle pour deux raisons. 1. L’ histoire au départ était une nouvelle de quatre pages. Ma première idée, en la relisant, était d’en faire un scénario de long-métrage, car je voyais le film. 2. J’écris mes romans en utilisant les techniques du scénario. Il faut dire que c’est ma formation. Cependant, je n’ai pas envie pour l’instant de mettre des visages connus sur mes personnages alors que je le ferais si j’écrivais un scénario.

 5. Quel est le synopsis du texte en une phrase ?

Un voyage qui tourne mal, très mal et met en péril la vie du personnage principal. 😉

6. Allez-vous être publié par un éditeur ou en auto-édition ?

Je n’ai pas décidé, mais l’auto-édition numérique me convient très bien. J’ai déjà publiés deux livres.

7. Combien de temps avez-vous mis pour produire votre premier jet ?

Deux mois. Mais c’est maintenant que le travail le plus long commence.

8. À quel autre livre pouvez-vous le comparer ?

Aucun pour l’instant. Mais je n’ai pas lu tous les livres !

9. Qui ou quoi a inspiré l’écriture de votre livre ?

C’est une histoire que j’avais dans la tête depuis une douzaine d’année. Mais, je ne sais pas pourquoi, je n’arrivais pas à m’asseoir et à l’écrire. Et puis un jour au printemps 2011, j’ai enménagé dans un nouvel appartement et j’ai trouvé sous une latte du plancher qui bougeait, un billet d’1 dollar. Qui avait laissé ce billet ? Les propriétaires avaient-ils connaissance de cette cachette ? Ces questions en ont  apporté d’autres.  À quoi servent les traces ? Le souvenir ? La mémoire permet-elle de nous apprendre quelque chose sur nous-mêmes et sur la nature humaine ? J’ai remis le billet et repositionné la latte et j’ai écrit la première version.

10. Que pourriez-vous dire pour piquer l’intérêt de votre lecteur ?

Une des quatre parties de Ma mère est une fiction est ma matrice et permet une incursion dans le roman .

Pour prendre la suite, et se soumettre à cette pratique virale, j’invite Fabienne Riveyran, , Marlène Tissot, Claire Roig, Camille Philibert-Rosignol, Éric, Dubois, Laurent Bettoni, Olivier Moyano, Florian Rochat, Jean-Christophe Heckers, Adam Molariss. S’ils le veulent, bien sûr.

Bibliographies

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Chris Simon _ Licence Creative Commons BY-NC

Photos ©Publienet ©Chris Simon

1ère mise en ligne et dernière modification le 13 février 2013

Le numérique : une fabrique de mots ?

À force de surfer, googoliser, bookmarker, butiner d’une lecture l’autre, d’un réseau l’autre en français, j’ai repéré un nombre de mots et d’expressions bizarres que je me suis amusée à déchiffrer, répertorier et classifier. Un nouveau vocabulaire, de nouvelles expressions se mettent en place sans que personne ne semble s’étonner.

Qu’est-ce qu’un clavier cannibale ? Un bouquinovore ? Un poème sale ? Un digiborigène ? Un analogos ?

Les claviers cliquettent en continu… Créateurs d’éditions numériques, de sites, twitteuses et twitteurs, blogueuses et blogueurs inventent un nouveau vocabulaire pour habiter un nouvel espace et vivre un monde nouveau.

Le Bouquinovore

Les maisons d’éditions numériques contrairement à celles papier qui avaient une forte tendance à s’appeler par le nom de leur créateur : Gallimard, P.O.L, Flammarion… affichent des noms variés :  Emue, Numeriklivres, ONLIT, publie.net, EdiCool

Adjectif pour les éditions Emue, mais sans accent sur le premier E ce qui me fait penser à emu (prononcé imou) nom anglais d’émeu, un animal australien.

Pronom + verbe  pour ONLIT  (On lit) qui flirte avec l’anglais, car on peut penser à on (sur) et Lit abréviation de Literature en anglais, mais aussi participe passé du verbe to light (allumer).

Collage de mots pour Numeriklivres (numérique et livre) avec un changement d’orthographe sur le premier mot pour faire plus court.

Verbe conjugué pour  publie.net tourné en adresse web ; et presque mot-valise pour EdiCool (mot édition tronqué auquel s’ajoute l’adjectif entier cool)

Les sites eux, affichent des locutions: Reflets du temps, La Cause littéraire ou encore le Tiers livre qui joue sur une expression préexistante : Tiers monde. Monde a été remplacé par livre, causant ainsi une familiarité et une référence cachée, pourtant évidente dans l’esprit de l’internaute.

Certains blogs pratiquent aussi la référence cachée :

auxbordsdesmondes d’Isabelle Pariente B.  occupe avec  « des mondes » nombreuses autres possibilités : des larmes, du lit, de l’eau… Dans le même esprit le blog : Au-delà du lac 

Comme on fait son terrier, l’auteur Gilles Piazo a remplacé terrier par lit, cependant la locution en cache une autre, un proverbe : « Comme on fait son lit, on se couche » qui fait écho dans la tête du l’internaute lisant : Comme on fait son terrier. Il y a donc ici deux niveaux de référence cachée.

Le Digiborigène Nookeff va plus loin assumant que le lecteur connaît bien la question de référence et appelle son blog, Keff que tu racontes ?, remplaçant « qu’est-ce » par son prénom Keff.

D’autres introduisent le langage sms dans le titre de leur blog ainsi le blog  QuandLM pour Quand elle aime et le portail pédagogique en multimédia IdMuse pour idée Muse.

Le site Culturewok va chercher côté cuisine et anglicisme pour parler littérature dans son bookwok. Le wok représentant l’ustensile de cuisine dans lequel tout se cuit laissant entendre que tout se lit chez Bookwok.

On trouve aussi des associations de mots inattendues, incongrues : Le clavier cannibale, blog de Madman Claro, poème sale blog de poésie ouvert et expérimental, face-écran de Daniel Bourrion. Deux de ces associations traduisent l’installation durable  de la technologie dans notre quotidien.

Du latin même avec curiosa & caetera de l’auteur et éditeur Éric Poindron

Et pour finir mes préférés :

Les mots-valises, the portmanteau-words cher à Lewis Carroll ou du moins qui s’en rapprochent dans la démarche et la forme.

Valise sans mot
Ceci n’est pas un mot

Mot-valise ? Qu’est-ce que c’est ?

Ce sont des mots composés par télescopage qui regroupent la tête d’un mot et la queue d’un autre. L’amalgame se fait sur la base d’une homophonie partielle.

Exemple : calfeutrer, altération de calfater et feutre (à noter que ce mot-valise est entré dans le dictionnaire depuis longtemps)

You see it’s like a portmanteau—there are two meanings packed up into one word.’

Lewis Carroll

Les mots- valises ou approchant que j’ai glanés :

Numéritérature : altération de numérique et littérature, avec homophonie sur la voyelle i. Un t de littérature a sauté.

ActuaLitté : altération d’actualité et de littéraire, ici on garde exceptionnellement les deux têtes des mots avec une longue homophonie sur Litté. On admet la faute d’orthographe sur le mot actualité pour signifier que le site parle bien de l’actualité de la littérature !

Numéritératue 3.0 Magazine

Le bouquinovore : bouquin + vore. Pas parfait comme mot-valise mais joli mot, on retrouve bouquin en entier et vore, altération d’un mot comme carnivore ? Omnivore ?

Bouquineo (blog de la librairie du même nom) : bouquin + néo, pas parfait non plus comme mot-valise mais l’attache se fait sur une lettre commune le n.

Et le blog S.I. Lex au nom le plus mystérieux de tous au delà du premier sens visible est resté une énigme. Pourquoi ces lettres séparées par des points, ces majuscules et ces minuscules ? Quels mots représentent-ils ?  J’ai envoyé un courriel à son auteur, Calimaq et voici ce qu’il a répondu :

S. I. Lex veut dire S=Sciences, I=Informations et Lex=droit. . Cela renvoyait à mon projet initial d’écrire Au croisement des sciences de l’information et du droit, ainsi qu’à mon statut particulier, car je suis à la fois (et autant l’un que l’autre juriste et bibliothécaire).

Mes recherches se sont limitées au domaine que je fréquente le plus, littérature et numérique.

Vous avez vous aussi peut-être accompli votre exploration lexicale et glaner mots-valises, associations, juxtaposition de mots, jeux de mots, expressions et locutions aux références cachées, implicites, etc,etc,etc. N’hésitez pas à les partager,  échanger  et compléter ma liste.

GOINGmobo, the magazine of the Mobile Bohemian

Chris Simon _ Licence Creative Commons BY-NC
1ère mise en ligne et dernière modification le 28 juin 2012.

L’autoédité numérique : paria ou modèle économique ?

Volet 3

La Page a déménagé. Pour lire l’article cliquez ici : L’autoédité numérique : paria ou modèle économique ? 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Troisième volet d’un état des lieux et analyse de la situation et de la condition de l’auteur, de ses difficultés et de son devenir. Lire le volet 1 et le volet 2

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Texte ©Chris Simon, photos ©Chris Simon ©Mopsy, ©Florian Rochat

 

Habiter la vitesse du train (La Traversée Littéraire à bord du RER C, 2011), un an déjà !

WRITING IN MOTION click here for English version

HABITER LA VITESSE DU TRAIN  (1ère publication en français)

C’est à travers la revue Belge Diptyque, dans laquelle une de mes nouvelles venait d’être publiée, que j’ai rencontré pour la première fois François Bon. J’étais tombée sur un de ses commentaires sur la revue via Facebook. Comme le commentaire m’avait plu, j’ai cliqué sur son nom et l’ai demandé comme ami. C’était il y a deux ans, son profil Facebook comptabilisait 4235 amis. J’en avais seulement 98. À ma grande surprise, il a accepté.

Ainsi, à partir de juin 2010, j’ai commencé à suivre son activité sur Facebook et fréquenter ses sites : tiersLivres et publie net. François Bon est un pionnier en France du livre numérique avec un catalogue de plus de 300 e-books (plus de 600 en 2012).

En avril 2011, j’ai découvert qu’il organisait un atelier d’écriture singulier, un voyage en RER intitulé, La Traversée Littéraire à bord du RER C. Je lui ai demandé si je pouvais y participer et comment. Il m’a répondu aussitôt qu’il me suffisait d’envoyer une demande par courriel à une adresse SNCF. Deux jours plus tard je recevais une invitation à imprimer.

Invitation pour La traversée Littéraire

Samedi 2 avril 2011. Je me présente à 9h15 au Croque-Mie de la gare RER François Mitterand-Bibliothèque. Mathilde Laurent, la charmante responsable de la ligne C, me tend un carnet de moleskine, un stylo marqué des quatre lettres SNCF, un laisser-passer gratuit bon pour un aller-retour Versailles-Chantier et pour finir un mini pain aux raisins.

Grignotant mon pain aux raisins, je m’avance au comptoir du Croque-Mie et je commande un café. Oh, surprise, il est offert ! Toute cette générosité me met de bonne humeur malgré l’heure matinale.

J’observe mes compagnons de voyage tout en gobelotant mon café. Il y a plus de femmes que d’hommes. Des professeurs, des animateurs d’ateliers d’écriture, des écrivains pour la plupart.

C’est la première fois que je me retrouve dans cette gare. Trois femmes, des professeurs, habituées des ateliers d’écriture d’après leur conversation, saluent François Bon comme un vieux compagnon de route. François Bon est petit, plutôt rond, un visage lunaire qui s’illumine souvent d’un sourire gracieux et généreux sous des cheveux blancs dont les boucles semblent partir dans des directions opposées. Sa voix est douce comme celle d’un pédagogue. Son attitude montre une certaine bonté ; il porte bien son nom.

Un pigeon atterrit près de nous. Il lui manque trois doigts à la patte gauche. Je lui lance ma dernière bouchée de pain aux raisins. Il se jette dessus en boitant et la dévore. Je me décide à en demander un second et l’égrène pour le pigeon. Ne connaissant personne et ne me sentant ni l’énergie ni l’envie de me présenter aux autres (je ne suis pas du matin), je nourris le pigeon handicapé, observe mon entourage et enregistre sons, odeurs, mouvements et bribes de conversations.

Trois minis pains aux raisins plus tard, François Bon nous demande de former un cercle autour de lui et nous révèle les tenants et les aboutissants de cet atelier singulier.

Il nous présente le directeur de la ligne RER C, Pierre Cunéo, l’homme en jean est à l’origine du projet. Il a sollicité François Bon ainsi que Didier Michel de l’association S-Cube (plateau de Saclay) pour créer un projet d’écriture sur sa ligne. François Bon enchaîne, nous donne quelques clés : observer le monde par les fenêtres du 1er étage du premier wagon du RER C, qui a pour départ la station François-Mitterrand et pour terminus la gare Versailles-Chantiee. Inspiré par Espèces d’Espaces de Georges Perrec publié en 1973, François suggère les mots : habiter, emménager, l’Inhabitable, Écrire, ou une structure de phrase telle : que + Infinitif ou encore tenter de dresser une liste sur le thème de la ville aussi simplement que si on établissait une liste de courses.

RER C workshop in pictures/ l’atelier en images : click

C’est le départ ! Nous passons les tourniquets, montons sur la plateforme de la ligne C. Certains participants prennent des photos, d’autres gazouillent (twittent) ou facebouquent (facebookent) l’événement de leur smartphone. Je reste les mains dans les poches, concentrée et marche en tête du train. Ça me fait tout drôle de voyager en groupe. La dernière fois que ça m’est arrivée, j’avais 13 ans. J’allais en camp de marche, faire à pied la route des vignes en Alsace.

RER C workshop in pictures/ l’atelier en images Click

Le train entre en gare et nous montons tous au deuxième étage de la rame. Je m’assois sur le premier siège libre que je vois à ma droite, dans le sens de la marche. Je trouve l’assise raide et inconfortable. Comme la plupart des Parisiens, je ne prends jamais le RER sauf pour aller à l’aéroport. Une des participantes, la cinquantaine, s’assoie en face de moi. Toutes deux nous nous regardons, stylo et calepin en mains, prêtes. Il règne une atmosphère dissipée de départ en colonie de vacances- ceux qui n’ont pas encore trouvé un siège, ceux qui bavardent excités ou anxieux, les photographes vont et viennent dans l’allée cherchant un angle de vue sur l’intérieur ou l’extérieur ou un truc à prendre au vol… Le train démarre. Un à un, les regards se tournent sur le paysage qui doucement devient mobile.

Je regarde dehors, mais mon regard s’arrête sur la vitre, je contemple un moment le reflet de la main de ma voisine posée sur son calepin… J’écris : miroir de l’écriture

Le train maintenant traverse la périphérie industrielle, no man’s land de graffitis qui s’étend de la sortie de la gare au commencement de la banlieue.

Vitry-sur-Seine

attendre

attendre qu’une image se forme

attendre qu’un être humain surgisse

Un homme sorti de nulle part tend un micro et me demande ce que je viens d’écrire. J’énonce dans le micro les deux dernières phrases et me replonge aussi vite dans le paysage qui défile.

François Bon passe dans le couloir et s’exclame : « Vous pouvez travailler sur un détail comme les fenêtres. Est-ce que quelqu’un veut travailler sur les fenêtres ? »

François Bon, click

J’y songe, mais les fenêtres me semblent trop petites, vues de mon siège, et pas assez nombreuses. L’urbanisation du sud de la banlieue parisienne consiste en maisons individuelles et jardins privés plutôt qu’en cages à lapins empilées les unes sur les autres.

Nous passons la gare de Choisy-le-Roi et une décision s’impose à moi : suivre la vitesse du train. Pas de place pour l’écrit propret, l’arrangement des mots. Ce n’est pas un concours de fleuristes ou d’amateurs de nénuphars, mais un voyage pour attraper quelque chose, vue du train qui soit vrai. Une ambiance, un état, une vision qui ne peuvent être captés que de là où je me trouve, à la fois assise et en mouvement. Cette révélation me plonge dans une autre dimension.

butterfly trees bordent les rails

autour de pavillons les petits jardins fleurissent

arbres

rangées d’arbres bien alignés

des pelouses qui séparent des usines

un pommier devant un mur en meulière

vert, vert, vert, marron marron, vert, vert, vert, marron

À partir de la station Villeneuve-le-Roi, Habiter devient mon leitmotiv et je me vois engloutie dans un état émotionnel qui se révèle sur la page comme si la vitesse du train devenait la vitesse de mes artères, de ma pensée. Je ne suis plus dans le train, mais avec le train. Carcasses de camion, bureaux vides, grues, Matériaux de construction, ciment, haies sauvages, une femme, deux hommes, un enfant de deux ans et un Labrador retiennent mon attention.

Il m’apparaît soudain que ce vaste espace fragmenté, qui défile, est un endroit à vivre, à faire ses courses, à se coucher, à dormir, à se réveiller. La dimension humaine du lieu me rive à ma page. La nécessité pour l’être humain de trouver un toit, un lieu de vie est un incontournable de sa condition d’être humain.

Habiter

faire sa cabane

planter un clou dans le mur

accrocher son manteau

flotter avec les canards du lac

personne aux balcons, des barres de fenêtres, aux parkings complets

Habiter

planter sa parabole

être avec le monde chez soi

Le leitmotiv habiter s’impose un choix d’une évidence troublante. J’habite à Paris depuis deux ans et quatre déménagements. Je comprends soudain que le thème de cet atelier d’écriture est pour moi, non pas, un thème, mais une réalité. Je le vis depuis mon arrivée. Je viens tout juste d’emménager dans un nouvel appartement dans lequel je ne me sens pas encore tout à fait chez moi. Déjà un peu là, mais pas encore tout à fait ici.

Habiter

Construire, élever, faire des fondations, terrasser, planifier, urbaniser, architecturer, structurer, tracer, organiser, implanter, habitacle, conception, ergonomie

Ne pas oublier la nature

Ne pas oublier la nature humaine

terrain de tennis

J’écris et me sens en phase dans ce RER, oubliant complètement les autres participants, attrapant, ici et là, bribes et fragments dans le paysage toujours changeant.

Habiter

jouer à la vie

être propriétaire

pavillons

jardins

meubles

terrasses coquettes

se lever

prendre un café sur sa terrasse

au soleil

organiser sa journée

la méditer

caméra cachée

sécurité

vert, vert, vert, marron marron, vert, vert, vert, marron et bleu

Quand le train entre dans sa gare terminus : Versailles-Chantier, ma main s’arrête sur mon dernier mot : arrêter. Je ressens une grande joie et une immense fatigue. Je ferme mon cahier et descends du train le coeur léger.

RER C, Versailles-Chantier click

Sur le quai, la gare se découpe sur un ciel bleu vif, le soleil matinal nous chauffe les omoplates et brille sur nos vêtements, des oiseaux chantent, et chacun de nous se sent un peu plus pionnier, un peu plus écrivain qu’avant le départ. J’engage la conversation avec un homme d’une vingtaine d’année, auteur timide et qui manque encore d’assurance. François vient à notre rencontre, nous interroge. Nous nous présentons. Je lui dis que je suis nouvelliste et scénariste. Il me demande si j’ai un blog. Je réponds que non, je n’en ai pas.

Le train repart en direction de Paris. Chacun est remonté dans le wagon détendu et plus dissipé qu’à l’aller. Certains participants lisent ce qu’ils ont écrit. Vient mon tour et ça démarre mal ! Je lis deux phrases et réalise pour la première fois que si je peux écrire sans lunettes, je ne peux plus me relire sans. Complètement intimidée devant le wagon plein et dans l’incapacité de déchiffrer mes pages, je balbutie et panique. François s’empare de mon cahier et lit mon texte. Sauvée ! Je suis là, à côté de mes mots, je découvre mon texte en même temps que les autres participants, c’est un choc électrique. Je prends conscience de mon voyage.

François Bon reading/lisant

Habiter

son corps

son âme

occuper l’espace entre les pensées

arriver

trouver

être chez soi enfin

découvrir

tous les possibles

recommencer

un amas de caisses de bois et de cartons dans une benne

des camions et des générateurs

des draps qui sèchent

arriver, poser son bagage

faire son lit

sous le pommier fleuri en face de la gare Versailles-Chantier

pour repartir

un jour

jamais

peut-être

arriver

Ce retour vers Paris, à échanger nos textes, à découvrir ce que les autres ont vu du train, avec quels mots et quelles images ils l’ont exprimé, m’a ouvert de nouvelles voix, de nouvelles façons d’appréhender et d’expérimenter l’écriture. Je suis repartie de cet atelier avec une telle énergie que quelques jours plus tard, j’ouvrai un blog sur lequel je publiais ce compte rendu. Blog qui six mois plus tard a évolué sur WordPress.

Des fragments de textes des participants de l’atelier ont été diffusés sur les plateformes de la ligne RER C et la totalité des textes, publiés sur tierslivre.net en 2011 et les blogs :  Ce qui s’est réellement passé dans le RER C de François Bon, On vit quelque part de Pierre Ménard, Ligne C de Nicolas Bleusher, RER C d’Anne Savelli, Géolocalisation des tweets écrits lors du trajet dans le RER C par Sylvie Tissot, Pas présente à l’atelier d’écriture #RER C 1 samedi 2 avril de Maryse Hache, le diaporama sonore et la galerie de portraits de Louise Imagine, Habiter le verbe partir de Christophe Grossi et Impressions RER C de Pierre Cohen-Hadria. Il y a sans doute d’autres créations mises en ligne sur des blogs et sites, notamment la vidéo de Jérôme Wurtz.

Textes © Chris Simon Photos © Louise.imagine

Références :

Pour en savoir plus sur François Bon et ses ateliers d’écriture en ligne : www.tierslivre.net

Pour acheter et lire les livres des éditions numériques de François Bon : www.publie.net

Pour contacter la responsable communication de la ligne RER C, Mathilde Laurent: Mathilde.LAURENT@sncf.fr

Pour voir l’atelier en images par Louise-imagine : http://www.flickr.com/photos/louiseimagine/5584800681/in/set-72157626293950893/

Plus d’info sur l’atelier du RER C : http://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article2471