J’ai invité Alex Nicol, auteur de romans policier, à partager son expérience d’auteur sur mon blog. Un parcours mouvementé qui démontre qu’il n’y a pas une seule voie pour devenir auteur, publier et rencontrer son public. La priorité, c’est avant tout l’écriture.
Puisse cette expérience vous inspirer, vous aider à mieux comprendre l’auteur que vous êtes, vous guider dans les choix pas toujours faciles à faire.
Je remercie Alex Nicol d’avoir accepté cette invitation.
1.
L’écriture
Ecrire… le rêve et l’envie de beaucoup… Je me suis lancé dans la rédaction d’un texte il y a trente cinq ans, alors que je résidais à Madras en Inde du Sud. L’environnement paradisiaque, la culture des habitants, la qualité des relations m’avaient poussé à traduire ces ressentis en mots couchés sur le papier et déjà sous forme de roman policier. Je le sais aujourd’hui la qualité du produit était médiocre. Pourtant la gâchette du plaisir avait tiré sa première balle et le révolver ne devait plus cesser de tourner.
Vingt cinq ans plus tard, après des nouvelles rédigées dans une revue d’association, le besoin de tenter à nouveau la rédaction d’un roman policier avait titillé mes neurones et c’était plein de cette naïveté et de cette fougue de ceux qui croient en leur étoile que je me suis lancé dans l’aventure. Mais l’expérience de la vie m’avait donné une compétence supplémentaire, cette sagesse qui croît sur les têtes chenues. Le succès fut au rendez-vous. Un éditeur acceptait de me publier. Ce premier ouvrage, qui poursuit son histoire aujourd’hui encore aura atteint les 10.000 exemplaires. D’autres textes suivront en même temps qu’une réflexion sur la fiabilité de mon éditeur me faisait prendre conscience de la nature de ce monde dont j’ignorais l’existence : l’édition était un marigot où tournoyaient des requins. Avec 6 à 10% de droits, l’auteur, qui était le moteur de l’édition (car pas d’auteur, pas de livres, donc pas d’éditeur) jouait le rôle du petit poisson que d’épouvantables carnassiers tentaient de déguster tout en lui laissant un peu de vie pour qu’il poursuive sa tâche.
3.
L’auto-édition
Une nouvelle expérience avec un autre éditeur s’avéra tout aussi catastrophique. C’est à partir de ce moment là que je commençais à envisager de travailler pour mon compte. Dans un premier temps, les contacts avec un certain nombre de confrères rencontrés sur les salons du livre qui produisaient intégralement leurs ouvrages, firent souffler un vent de liberté. C’était ça la solution : écrire, trouver un imprimeur, diffuser les livres et continuer à jouir de ce plaisir de l’écriture et des rencontres. La réalité, lorsqu’on la creuse un peu, est moins rayonnante. Mes collègues s’épuisaient à voyager de librairies en supermarchés pour obtenir que leurs bouquins soient pris en dépôt-vente et finalement consacraient beaucoup de temps, d’argent et d’énergie pour pas grand-chose.
Les premières liseuses avaient alors fait leur apparition. Cette piste m’apparut très prometteuse : la diffusion se faisait par Internet, supprimait un certain nombre d’intermédiaires (fabriquant de papier, imprimeur, transporteur, stockeurs) et tous les frais qui étaient liés à ces professions avec en plus, élément non négligeable, une baisse sensible du produit pour le lecteur et une rémunération convenable de l’auteur. Dans un premier temps, auteur patriote, je me suis tourné vers la FNAC pour diffuser mes romans sur leur liseuse KOBO. Ce fut un véritable parcours du combattant. Sans éditeur derrière lequel s’adosser, cela devenait quasiment impossible d’obtenir le sésame. Je suis alors allé voir Amazon dont la redoutable efficacité pour mettre en ligne un roman à partir d’un document tapé sur un traitement de texte me confirmait que j’avais frappé à la bonne porte. En même temps, je me lançais sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, etc) pour m’y faire connaître. Plusieurs romans y furent ainsi lancés avec des résultats encourageants. Cela me permit d’intégrer la communauté des auteurs indépendants (« les Indés ») et d’y croiser sur la toile des collègues passionnés par leur activité (Chris Simon, Jacques Vandroux, Christelle Morize, Laurent Bettoni, Agnes Martin Lugand, pour ne citer qu’eux mais il y en a eu beaucoup d’autres). J’ai beaucoup apprécié cette communauté de gens qui ne se prenaient pas la tête et partageaient leur expérience et leur gentillesse.
5.
Le retour à l’écriture
Puis est venu à nouveau le temps de la réflexion : je passais plus de temps à « vendre » mes romans qu’à écrire d’autres histoires et, faut-il l’avouer, le plaisir n’était pas le même. En cherchant sur internet, j’ai fini par trouver une maison d’édition dont les valeurs répondaient aux miennes. La maison Numériklivres, sous la houlette bicéphale de Jean François Gayrard et d’Anita Berchenko avait fait le choix du Numérique pur et rémunérait très correctement ses auteurs. Par ailleurs, avant que je puisse lui soumettre un manuscrit, Jean François m’avait demandé de rédiger un petit texte pour répondre à cette question : « pourquoi voulez vous publier en numérique ? ». La nature de ma réponse conditionnait mon entrée dans son écurie.
Dois-je le dire ? Si je continue de participer à la promotion de mes livres sur Facebook, et ceux-ci sont maintenant disponibles sur tous les types de support, j’ai retrouvé le temps et le plaisir de l’écriture.
Naturellement cette expérience est très personnelle. Certain s’y retrouveront peut être ; d’autres continueront de préférer le travail solitaire de l’artisan qui peaufine intégralement son objet d’art.
Finalement, seul compte le résultat, ce trésor inestimable, pur produit de notre imagination, qui, le temps d’un regard sur une page ou une tablette, transportera le lecteur en des contrées que ses rêves les plus fous n’auraient pu imaginer.
Un roman écrit par 10 auteurs. J’avais envie de réunir des auteurs autour d’un projet commun, un peu comme acteurs ou musiciens se réunissent pour faire des improvisations, mêlant ainsi plaisir et pratique de leur art et cela a donné La Bouche !
C’est dingue, aberrant et une violation de la loi de la part de l’état Français. Une loi votée le 21 mars 2013 et intitulée ReLIRE (Registre des livres indisponibles en réédition électronique), très bien expliquée dans le billet de S.I.Lex. Ce Registre est une liste de 60 000 livres indisponibles (avec des erreurs) et oblige les auteurs de ces indisponibles à se manifester dans les six mois c’est-à-dire avant le 21 septembre 2013, faute de quoi leurs livres indisponibles seront exploités d’office par un tiers. Le registre est géré par la BNF.
Si vous connaissez des auteurs, des ayants droits, même d’un seul livre, faites circuler l’information en les renvoyant sur les sites de références en fin de ce billet.
Il est impératif que les auteurs soient informés, se mobilisent et trouvent des solutions individuelles et collectives. Il y en a. Lisez l’excellent billet de François Bon et rejoignez le site de lesindisponibles.fr, une coopérative qui se propose de numériser les indisponibles sur la demande des auteurs pour que ceux-ci gardent la gestion de leurs oeuvres et reçoivent donc la rémunération qui découlerait d’une exploitation numérique. En effet, d’après le Registre l’auteur a jusqu’au 21 septembre 2013 pour prouver qu’il est l’auteur du(des) titre(s) qu’il réclame et deux ans pour l’exploiter, spécifie ce même Registre, faute de quoi les oeuvres réclamées retomberaient automatiquement dans ReLire.
La vraie solution contre une telle spoliation est de prendre en charge l’exploitation de vos oeuvres indisponibles. Des auteurs se sont déjà lancés tels que Florian Rochat, Serge Brussolo ou Gilbert Gallerne qui déclare dans un entretien sur Ecran Total :
Il va falloir faire un tri dans tout cela, et je pense que cela passera par une prise de conscience des auteurs reconnus qui disposent de titres oubliés. Je pense notamment à tous ces auteurs du Fleuve Noir, à tous ces gens qui fournissaient les collections policières ou de science-fiction dans les années 1970 à 1990 et dont la plupart des ouvrages sont aujourd’hui introuvables. On commence à voir cela aux États-Unis, et dans une moindre mesure en France, où l’on a encore quelques années de retard, mais cela va venir. Que des gens comme Brussolo commencent à y venir est un très bon signe.
Gilbert Gallerne réedite ses indisponibles sur Kindle
Faites comme ces auteurs. Défendez vos droits en mettant les mains dans le cambouis et ne laissez pas une loi vous voler des années de travail et de dévouement. Vous pouvez les rejoindre en exploitant vous-mêmes vos oeuvres sur les plateformes numériques comme Amazon, Kobo et iBookStore, ou contacter la coopérative lesindisponibles.fr, rejoindre Le droit du serf, collectif de réflexion et d’action qui propose de lutter contre cette loi et trouver de l’aide pour l’auto-publication auprès de ce blog.
Si vous avez des questions n’hésitez pas à me contacter. Si vous connaissez d’autres organismes en mesure d’aider les auteurs d’oeuvres indisponibles, intervenez dans les commentaires.