Bilan 2012 : manque d’infrastructure pour faire émerger les ebooks de qualité
Livre numérique dans une liseuse
Suite à un article de l’auteure anglaise Suw Charman-Anderson parut dans Forbes Magazine, j’ai soudain compris que ma rubrique Pourquoi en numérique ? était une réponse (à très petite échelle et petits moyens) au manque cruel de structures et de venues pour la diffusion et la promotion des contenus numériques (notamment le récent marché des ebooks). En effet, chaque pays possède des infrastructures qui permettent aux livres et aux auteurs d’émerger du chaos et de la diversité d’un marché du livre donné. En France, il sort chaque automne plus de 600 livres (événement appelé la rentrée littéraire, événement qui fascine et amuse tout à la fois les critiques littéraires des quotidiens urbains et magazines littéraires aux États-Unis). L’article de Suw Charman-Anderson relate la publication d’une excellente critique dans le New York Times par le critique littéraire Michiko Kakutani d’un livre auto-publié “The Revolution Was Televised” d’Alan Sepinwall et développe l’idée que le phénomène reste rare dû en partie au système du milieu littéraire américain. Au Royaume-Uni et aux États-Unis, l’éditeur de même que les agents littéraires font office de filtre pour les critiques littéraires, car ce sont eux qui préconisent la lecture des nouveautés aux critiques en qui ils font confiance. Il y a trop de livres pour le nombre de critiques et donc l’écrémage en amont est essentiel. Qu’en est-il dans le numérique ?
Ebook auto-édité et dans les 10 meilleurs livres 2012 (NYTimes)
Il n’y a pas d’écrémage. Un critique ne se sent pas à l’aise à être en contact direct avec un auteur. C’est compréhensible. Des intermédiaires sont donc nécessaires. Or dans le numérique, tout étant nouveau, il n’y a ni intermédiaire, ni infrastructure. Comment des journalistes habitués à recevoir des maisons d’éditions, des attachés de presse, des rédacteurs en chef les livres à lire et recommandables pourraient soudainement se jeter corps et âmes dans la jungle d’une industrie naissante : le numérique ? Bien souvent ils n’ont jamais entendu parler de la maison d’édition ou de l’auteur qui proposent un nouveau livre.
En France ou le système même de la société est plus hiérarchique qu’aux États-Unis, les critiques littéraires sont souvent des directeurs littéraires de maisons d’éditions (lire le billet édifiant de Laurent Margantin, Le système Gallimard : Un palmarès des critiques littéraires au service d’un éditeur), et les libraires, qui existent encore viennent ajouter un écrémage supplémentaire. Au final un nombre très limité de livres atteint une visibilité.
De plus, la plupart des blogueuses/blogueurs littéraires se contentent de lire exclusivement les livres papier des plus grosses maisons d’éditions. Une poignée de ces blogues s’aventure hors des sentiers battus et dans cette poignée deux ou trois accepteront de lire un livre numérique.
La plupart des clubs de lecture se contentent aussi de distribuer et faire lire les livres des grandes maisons d’éditions dont les plus grosses ventes sont des livres papiers, pas des livres numériques.
De fait, les maisons d’éditions numériques les « pure players » comme les auto-édités se retrouvent à faire de l’auto-promotion à travers leurs blogues, dailynews en ligne et newsletters… L’auto-promotion est donc inévitable tant qu’il n’y aura pas les infrastructures nécessaires à la promotion de ce nouveau marché qu’est le livre numérique. En attendant de nombreux livres ne sont pas lus, pas remarqués et c’est regrettable car ils représentent une énorme somme de travail et de créativité de la part des auteurs et des « Pure players ».
Art
Depuis Marcel Duchamp les artistes savent qu’ils peuvent faire de l’art avec tout matériaux. Les auteurs, eux, se servent toujours des mots, uniques matériaux d’écriture. Ce qui a changé grâce au numérique depuis quelques années, c’est qu’ils peuvent écrire ces mots partout.
Paris 9e
Des murs des villes au papier des cahiers, les mots sont venus sur les écrans des villes, des habitats, sur les blogues, les sites, les ebooks… Les mots voyagent transitent, passent d’un support à l’autre, d’un lecteur à l’autre à la vitesse du numérique et non plus à la vitesse de l’imprimerie.
Le temps réel n’est pas le temps de l’imprimerie.
La légende de Little Eagle
Pour un nouveau monde, créons une nouvelle infrastructure, ensemble réfléchissons à des nouveaux modes de communication. Après tout, nous sommes auteurs, c’est-à-dire des créateurs.
Dès 2013, Le baiser de la mouche proposera une nouvelle rubrique : Entretiens croisés, en cours d’élaboration avec l’auteur Laurent Bettoni. Nous publierons bientôt le premier entretien à la fois sur son blogue Écran Total et sur le mien.
Solution pour 2013 : Auteurs et “Pure Players”créez ou/et continuez de créer vos propres outils de communication.
Quatrième volet d’un état des lieux et analyse de la situation et de la condition de l’auteur, de ses difficultés et de son devenir. Lire le volet 1,volet 2, volet 3
Tuyaux pour les auto-publiés et les éditeurs “pure-players” dans les billets Pourquoi en numérique ? Vous trouverez des ressources pour créer et promouvoir vos ebooks.
GOINGmobo, the magazine of the Mobile Bohemian
Chris Simon _ Licence Creative Commons BY-NC
1ère mise en ligne et dernière modification le 27 décembre 2012.
J’ai rencontré Florian Rochat sur les réseaux sociaux. Tous deux auteurs autoédités, nous échangeons depuis quelques mois informations et tuyaux. C’est donc un mini portrait de son avatar, avec lequel mon avatar communique régulièrement, que je vais faire.
Florian Rochat apparaît comme un aventurier tranquille. Ancien journaliste de presse écrite, radio et télévision, il vit au pied des montagnes du Jura suisse, où il pratique de manière assidue la randonnée et le ski de fond. Il aime “Trekker” et les auteurs de l’ouest américain comme Jim Harrison et Rick Bass. Grand amoureux du Montana, la « terre d’ancrage » de deux de ses romans, il est tourné vers la Nature et le rapport de l’homme à la Nature. Autoédité très bien informé, il est généreux, ouvert d’esprit et partageur. En aventurier jusqu’au bout, il a choisi d’autopublier en numérique son nouveau roman, La légende de Little Eagle, qu’il a couplé avec une version papier realisée au sein du programme Create d’Amazon. Florian Rochat a été le premier à répondre à mon invitation du 31 aôut, et c’est avec un grand plaisir que je vous le présente.
La légende de Little Eagle En vente sur Amazon, iBookStore, Kobo, Fnac… et Smashwords
Résumé : Hélène Marchal, journaliste dans la quarantaine, hérite d’une maison dont elle n’avait jamais entendu parler. Ces lieux avaient abrité un secret de famille que sa mère lui avait révélé peu avant sa mort. Mais en se rendant à Verdeil pour y découvrir son bien, une autre surprise l’attend dans ce petit village bourguignon.
Sur un rayon de bibliothèque où quelques livres ont été abandonnés, elle découvre un bout de papier qui dépasse d’un ouvrage. C’est une copie carbone d’une lettre adressée en 1947 par son grand-père maternel aux parents du premier lieutenant John Philip Garreau, pilote de chasse dans l’armée de l’air américaine… lire la suite
Début 2011. Quelqu’un m’avait envoyé un article sur le succès d’Amanda Hocking, qui avait autopublié plusieurs livres après avoir été rejetée par tous les éditeurs et qui en avait vendu 900 000 en moins d’un an sur Amazon. De fil en aiguille, j’ai découvert d’autres pionniers du numérique, notamment Joe A. Konrath, un auteur de polars qui avait écrit une dizaine de livres et totalisé… 600 refus. Depuis sa première autopublication en 2009, ses ventes approchent aujourd’hui le million d’exemplaires. Donc, à l’automne 2011, suite à plusieurs refus d’éditeurs pour mon nouveau roman, « La légende de Little Eagle », je me suis dit que je n’allais pas passer cinq ans (comme précédemment) pour en trouver un éditeur (le mien m’ayant laissé tombé) . j’ai décidé de tenter le coup de l’autopublication
2.
LeBdelaM : Question formatage et couverture, tu t’y es pris comment ?
Je n’ai pas essayé de formatter moi-même, je ne suis pas un « geek » en informatique ! Mais j’ai un ami informaticien qui s’en est chargé, et nous avons fait les procédures de téléchargement ensemble. Même aux Etats-Unis, tous les auteurs ne formattent pas eux-mêmes. Il y a des dizaines de petites sociétés qui offrent ce service pour quelques centaines de dollars. Ensuite, j’ai acheté une photo “clean et pro” à un photographe anglais. Mon ami informaticien l’a “habillée” (titre, couleurs) en collaboration avec moi et fait le formatage pour le KDP et Smashwords.
Smashwords m’est apparu comme un complément à Amazon, parce qu’ils distribuent les livres qu’on publie chez eux à d’autres plateformes (Apple, Kobo, Fnac, Sony, Diesel, Barnes & Noble…) Voilà pour l’avantage. Quant aux inconvénients, je ne vois pas… sinon que mes ventes sur ces plateformes-là sont inférieures à celles que j’ai sur Amazon. C’est Amazon qui marche le mieux. Deux opération “gratuites” et limitées dans le temps sur Smashwords ont suscité un peu plus de 100 téléchargements.
4.
LeBdelaM : Comment tu fais la promotion de ton livre ?
Pas de Relation Presse. J’ai essayé (et je continue) de le faire via les Twitter et Facebook, qui sont sensés être les sésames pour la promotion, mais pas vraiment dans mon cas. Le plus souvent avec des “amorces” de mes articles de blog sur le numérique, ou le partage d’articles sur la question ou la littérature en général. Quelques tentatives sur des forums, qui ont marché un peu. Mais les intervenants sur ces forums sont souvent intolérants: “Il fait de l’autopromotion !!!” (La honte…) Et les bloggeurs aussi ne sont pas très ouverts à l’autopublication.
LeBdelaM : Des suggestions pour faire évoluer les mentalités ?
Sacrée question… La stigmatisation et le mépris pour l’autopublication sont tels en France, pays où les « vrais écrivains » ne peuvent qu’être ceux reconnus par un éditeur traditionnel… Je crois qu’un problème important est justement la facilité avec laquelle on peut se proclamer aujourd’hui « écrivain » en s’autopubliant. Beaucoup de livres offerts sur le Kindle Store ou ailleurs me semblent mauvais, et ça fait du tort aux vrais auteurs. Mais il y en a ! Les meilleurs ont une véritable éthique, ce sont des « pros » qui écrivent de bonnes histoires, sur des thèmes intéressants, en se montrant rigoureux sur la structure, la correction, l’édition. Pour reprendre l’exemple américain, beaucoup d’écrivains autopubliés recourent aux service de correcteurs et d’éditeurs indépendants. Cela coûte de l’argent, mais cela en vaut la peine. Reconnaissance: depuis quelques mois, le New York Times inclut les livres autopubliés dans ses listes des meilleures ventes. Il faudra encore un certain temps pour que L’Express ou le Point s’y mettent… En ce qui me concerne, j’ai re-re-re-re-lu mon livre maintes fois, y apportant de nombreuses collections alors que le le croyais « fini ». Je l’ai fait lire par plusieurs lecteurs et lectrices capables de le critiquer au lieu de me dire: « C’est génial ! », et j’ai souvent (mais pas toujours, ils n’avaient pas forcément raison, et l’auteur doit être le dernier à trancher) tenu compte de leurs remarques. Cela dit, l’autoédition peut être diabolique: j’ai retrouvé, après publication, plusieurs coquilles mineures, une référence grossièrement fausse, et une phrase qui ne voulait rien dire du tout ! L’avantage de l’autopublication, c’est qu’on peut corriger cela facilement et rapidement. Ce qui a été fait.
5.
LeBdelaM : Entretiens radio et autres
Oui, une émission d’une demi-heure, débat avec un auteur “classique” sur les avantages et inconvénients du numérique. Un très bon article sur un site spécialisé dans l’aviation, et plusieurs blogs/forums aviation et guerre très accueillants.
Bonus technique et idéologique de Florian Rochat en trois lettres
A.
LeBdelaM : Sur Amazon couplée avec la version numérique, tu proposes une version papier, comment ça marche exactement ?
J’ai découvert la possibilité du « papier » peu avant mon autopublication en numérique, avec le service CreateSpace d’Amazon: https://www.createspace.com/ (se logger en ouvrant un compte, puis cliquer sur « Start a book for free » pour voir comment ça marche. Il faut aussi formater, bien sûr.) Cette option me semblait très complémentaire au numérique, dans la mesure où une grande majorité de lecteurs potentiels ne sont pas encore équipés de tablettes ou liseuses. Les versions papier ET numérique apparaissent groupées sur les sites d’Amazon. Les lecteurs ont donc le choix du support. La version imprimée, dont la fabrication est gratuite, mais pour laquelle Amazon offre également de l’aide moyennant une somme assez modeste) peut être vendue à un prix très concurrentiel par rapport à un livre issu de l’édition traditionnelle. Et c’est quand même toujours sympa d’offrir un (« vrai) livre à ses amis et à ses proches… J’encourage chacun à utiliser cette possibilité. Si on connaît un ou quelques libraires, on peut même s’arranger avec eux pour qu’ils offrent le livre dans leur assortiment.
En vente sur Amazon, iBookStore, Kobo, Fnac… et Smashwords
B.
LeBdelaM : Comment vis-tu, perçois-tu ce nouveau statut pour les auteurs ?
L’autopublication est vraiment une révolution pour les auteurs. Pour ceux qui ne trouvent pas d’éditeurs (parce que les éditeurs ne peuvent pas tout publier, même si ce sont de bons livres). Pour ceux qui croient qu’en ayant déjà publié chez des éditeurs traditionnels (comme moi, chez 2 différents), ils peuvent encore en trouver un. Mais ce n’est pas garanti, et ça peut prendre DES ANNÉES… Cinq, pour mon précédent roman, mais le dernier éditeur contacté a eu un coup de coeur et s’est décidé en deux jours ! C’est aussi une révolution pour des auteurs confirmés aux Etats-Unis, où ils sont de plus en plus nombreux à tourner le dos aux éditeurs traditionnels. Parce qu’ils peuvent publier au rythme qu’ils veulent. Parce qu’ils sont payés chaque mois, au lieu de l’être un an après la sortie de leur livre. Parce qu’ils sont mieux rémunérés sur des prix beaucoup plus bas. Parce qu’ils conservent tous leurs droits: traductions, adaptation cinématographique (pour les chanceux). Un exemple parlant est celui de Barry Eisler, un auteur de thrillers politiques qui n’est pas un best seller comme James Patterson ou Steven King, mais dont les livres se vendaient tout de même à quelques centaines de milliers d’exemplaires. Il a refusé une offre de 500 000 $ de son éditeur pour ses deux prochains livres, et a autopublié le premier (« The Detachment »), ce qui lui a rapporté plus d’argent qu’auparavant. N’oublions pas que l’auteur, économiquement parlant, est le maillon le plus faible dans la chaîne du livre traditionnel. Un scandale ! Et que les contrats des éditeurs sont léonins dans leurs conditions et restrictions de toutes sortes. Enfin, les livres autopubliés en numérique sont « éternels » sur le Net, contrairement aux livres imprimés, dont la grande majorité qui disparait rapidement des librairies. Je m’intéresse beaucoup, ces jours, à Joël Dicker, un jeune écrivain genervois de 27 ans, dont le polar « La Vérité sur l’affaire Harry Quebert »(Editions L’Age d’Homme/de Fallois) figure dans les premières sélections pour le Goncourt et le Femina. Il a des critiques canon dans la presse parisienne, et il vit un rêve extraordinaire. Prix ou pas prix, son livre sera sans doute un succès, et je le lui souhaite de tout coeur. Mais voilà: ce genre de situation est l’exception, et donc je ne fantasme absolument pas là-dessus.
C.
LeBdelaM : Projettes-tu de continuer l’autopublication en numérique ?
Oui. Je pense terminer vers la fin de l’année un nouveau livre, « Printemps sans chien, printemps chagrin » (une « histoire de chiens » sous forme de récit personnel, pour simplifier) et je vais évidemment l’autopublier. Mes chances de succès sont aussi incertaines que chez un éditeur traditionnel, mais qu’importe puisque je n’y peux rien. Mais le créneau ou la catégorie « Animaux de compagnie » sur Amazon me semble bons et bien visibles. Les auteurs qui s’autopublient accroissent leurs chances avec chaque nouveau titre ajouté à leur liste sur les plateformes de vente, il y a un effet boule de neige avec le temps. Le numérique et le nombre d’ereaders augmentent chaque jour, partout. Donc : écrire, écrire, selon son envie, son inspiration, son rythme. Sans se prendre la tête ni se faire du mouron par rapport aux affres du monde de l’édition traditionnelle ou au succès si désiré, mais toujours en donnant le meilleur de soi- même. Et, comme disait une vieille chanson américano-espagnole, « que sera, sera ».
Pourquoi en numérique ? est une série d’entretiens avec des auteurs autoédités en numérique, mais aussi bientôt d’autres acteurs qui partiquent la correction, le formatage, etc.
Si vous désirez un entretien veuillez consulter ce billet pour les démarches à suivre.