Quelle place pour les auto-édités au sein du GLN?

Enfin, les acteurs du numérique tentent un rassemblement : le GLN ( Groupement pour le développement de la Lecture Numérique ) sous forme d’association 1901. Partant sur la base que les acteurs du livre et de la presse numérique sont de plus en plus nombreux, quelques-uns ont décidé de se fédérer pour permettre à tous d’œuvrer ensemble au développement de la lecture numérique sous toutes ses formes.

Le GLN s’impose les trois missions suivantes :

1 — Défendre, fédérer et représenter les intérêts individuels et collectifs de ses adhérents et plus largement des acteurs professionnels francophones de la lecture numérique.

2 — Œuvrer, par tout moyen, au développement économique du secteur.

3 — Se positionner comme force de réflexion et de proposition économique et sociale à l’échelle nationale.

GLN
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Belle initiative et pour accomplir ces trois  missions le GLN invite tout le monde, c’est-à-dire :

« prestataires de services, en passant par les bibliothèques, les médiathèques, les constructeurs d’appareils mobiles, les auteurs auto-édités (ou auteurs édités), les éditeurs de presse, les éditeurs purs players et les éditeurs traditionnels, les libraires physiques et les librairies en ligne, les plateformes de distribution alternatives, les développeurs d’application, les distributeurs, l’interprofession, les blogs littéraires, les sites d’information en ligne spécialisés, etc. »

Un mouvement qui part des usages, une liste éclectique et donc ouverte à tous les acteurs du livre numérique. Certes, ils n’ont pas oublié les indés (auto-édités), sans doute parce qu’un des auteurs au conseil d’administration est un auteur qui s’auto-publie, et je m’en réjouis. Je me dis chouette, je suis invitée ! Mais par qui ?
Les gens qui ont mis en place le GLN sont des acteurs reconnus de l’édition numérique, je les connais pour la plupart et je n’ai aucune envie de les dénigrer. Je suis leur travail et j’apprécie leurs compétences. Les voici :

Benoît de La Bourdonnaye, Président du GLN et fondateur de Didactibook ;

Jean-François Gayrard, créateur de NumerikLivres ;

Elizabeth Sutton, responsable du site d’actualités numériques IDBoox ; Karline Demey, animatrice du blog littéraire Un brin de lecture, ou encore Fabien Sauleman, co-fondateur de Youboox, la plateforme de lecture en streaming.

On y retrouve également au sein de son Conseil d’Administration un auteur (Laurent Bettoni), un libraire diffuseur (ePagine, par le biais de David Queffélec), un distributeur (Volumen, via Mathieu Raynaud), un éditeur (John Libbey Eurotext, représenté par Anne Chevalier) et enfin un libraire numérique innovant Sanspapier.com, via son co-fondateur Antoine Garnier.

C’est en épluchant la liste des membres que je commence à douter de l’ouverture réelle à tous les acteurs du numérique, même si au premier abord, j’approuve l’initiative, je ne peux laisser passer un point qui me paraît important, voire crucial. Peut-être cela ne vous a pas frappé, mais moi ça me saute aux yeux. Un auto-édité n’a pas sa place dans une fédération qui est dirigée en partie par des librairies qui ne distribuent pas les livres d’auteurs auto-édités. Il y a comme un non-sens.

Les libraires diffuseurs : Epagine, Volumen, sanspapier.com ne distribuent aucun livre d’auteurs auto-publiés ou indés. Ça fait quand même trois membres qui ne diffusent pas nos livres et dont trois sont au conseil d’administration. J’ajoute à cette liste Youboox sur le site duquel aucune rubrique, ni lien qui mène à une inscription en tant qu’auto-édité. Didactibook est ouvert aux auto-édités bien que cette ouverture n’ait fait l’objet d’aucune publicité auprès de la cible concernée.

Ça ne vous choque pas ? Moi si. Permettez-moi de vous dire que ça ne m’incite pas à adhérer.

Allez encore un petit effort. Soit vous jouez le jeu jusqu’au bout, soit vous faites votre club et continuez l’exclusion qui est de mise dans tout club. Car je ne vois pas comment on peut prétendre fédérer tous les acteurs quand en fait, les membres qui dirigent ou représentent le GLN ont leurs portes fermées à une partie de ceux qui y sont invités et supposés y adhérer.

Pour assurer une vraie représentativité du GLN, il faut abolir ces restrictions qui n’ont aucun sens et se justifient encore moins avec la création d’un tel groupe. Du reste,  si vous connaissiez la masse globale des chiffres de ventes des auto-publiés, vous regretteriez de ne pas les avoir distribué plus tôt.

Je préfère soulever cette anomalie d’entrée et espère qu’elle permettra à tous d’y voir clair dès le départ. Ça ne sert à rien de partir sur un malentendu, sachant qu’il y aura des déçus et que l’on pourrait l’éviter pour ceux-là.

Le GLN se décrit ainsi : “Cette association de compétences multiples aura pour but de fédérer les acteurs francophones du secteur afin de favoriser le développement lié au livre numérique, assurer sa diffusion auprès d’un plus large public, et être force de proposition à l’échelle nationale.,

Allez, encore un effort, si vraiment votre but est de fédérer tous les acteurs du numérique ainsi que les lecteurs,  d’assurer une meilleure diffusion à un vaste public !  Car, les lecteurs, eux lisent  les livres indés ou pas 😉

Pour en savoir plus : site du GLN

Une séance par mois Amazon tous pays
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GOINGmobo, the Magazine of the Mobile Bohemian
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Chris Simon _ Licence Creative Commons BY-NC
1ère mise en ligne et dernière modification le 16 octobre 2013.

L’autoédité numérique : paria ou modèle économique ?

Volet 3

La Page a déménagé. Pour lire l’article cliquez ici : L’autoédité numérique : paria ou modèle économique ? 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

GOINGmobo, magazine of the Mobile Bohemian

Troisième volet d’un état des lieux et analyse de la situation et de la condition de l’auteur, de ses difficultés et de son devenir. Lire le volet 1 et le volet 2

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Texte ©Chris Simon, photos ©Chris Simon ©Mopsy, ©Florian Rochat

 

Le lecteur est-il en train de devenir un écrivain ?

Volet 2

On m’en avait beaucoup parlé, mais je ne l’avais encore jamais vu. Il vivait dans le quartier, ne sortait pas souvent en hiver. Les voisins parlaient de lui sur le même ton avec lequel ils auraient parlé d’un condamné. Cette manière semi condescendante, semi intrigante de le présenter attisait ma curiosité comme l’aurait fait l’annonce du passage d’une femme à barbe sur la place du marché de la ville.

Cité de Trévise, Paris 9

Un jour de printemps, il est apparu. Nous avons arrêté net notre partie de foot. Les copains se sont approchés et m’ont murmuré : c’est lui.

Il portait une casquette, une chemise à carreaux, col ouvert, sous un bleu de travail, des souliers en cuir noir. Il avançait vers nous, avec l’indifférence d’un vieil homme ordinaire. J’éprouvais un étonnement, un éblouissement aussi fort que celui que m’avait procuré la découverte d’un fossile en classe verte. C’était donc lui, l’homme, qui ne savait pas lire.

J’ai avancé vers lui, et comme je lui étais inconnue (j’habitais ici depuis quelques mois), je me suis présentée. À ma grande surprise, il m’a répondu dans la même langue que la mienne. J’enchaînais question sur question pour rester le plus longtemps possible avec lui et tenter de découvrir son secret. Ses yeux bleus me fixaient, ses mains carrées aux paumes larges et aux phalanges accidentées, accompagnaient ses réponses de gestes lents et précis. Une phalange lui manquait à l’index gauche et, tout en l’écoutant, j’établissais la raison qui l’avait empêchée d’apprendre à lire. L’absence d’une phalange. À neuf ans, je lisais encore en suivant les lignes de mon index.

On considérait dans le quartier le vieil homme comme un idiot, mais aussi comme le triste destin que chaque enfant devait craindre. L’avenir c’était l’écrit et apprendre à lire une nécessité et un devoir.

Je prenais goût à échanger quelques paroles avec lui. Il avait toujours une bonne histoire à me raconter, un truc à me montrer. Il me ramenait au monde d’avant le savoir lire. Un monde de l’oralité, de la transmission par les gestes, la parole, l’échange et l’expérience. Un monde de l’être et du faire. Ce vieil homme, gentiment moqué et dont on bafouait la connaissance, allait disparaître de la même manière qu’en apprenant à lire une partie de moi disparaissait.

Aujourd’hui, je comprends clairement ce qui m’avait fasciné chez lui. À probablement 70 ans, il vivait encore dans le monde de l’oralité duquel trois ans d’apprentissage de la lecture m’avait graduellement sorti.

Si je pense aujourd’hui au vieil homme avec tendresse, c’est parce qu’il a prolongé pour moi le monde d’avant la lecture, celui de l’homme primitif à qui l’on doit l’invention du feu, des outils, du langage… Et plus tard celle de l’écriture.

La civilisation de l’écrit date des Sumériens ( autour de 3300 ans avant JC). Pendant des millénaires, l’écriture et la lecture n’ont été accessibles qu’à un petit groupe d’êtres humains.

Écriture cunéiforme

La révolution Gutenberg (l’imprimerie), les premières techniques d’impression rapide au milieu du 19e, la photocopie, technique d’impression encore plus rapide et moins chère au 20e ont à chaque fois ouvert le champ de lecture à un plus grand nombre d’humains. Dans la deuxième moitié du 20e siècle, la démocratisation de la lecture s’est accélérée et a concerné toutes les couches de la société. Les outils high tech du 21e siècle ouvre sur une nouvelle ère. On n’a plus besoin d’imprimer, de copier, on diffuse, on transmet sans passer par le support papier.

La lecture

Clarisse Herrenschmidt définit l’écriture ainsi:

l’écriture c’est faire passer de l’invisible au visible. L’informatique a créé un déplacement de l’invisible. Elle dit aussi : l’écrit papier est stable, mais sale (ratures, collages, gribouillis, trous dans le papier) tandis que l’écrit sur la machine est instable, mais propre (plus de ratures, on efface, on fait des copier/coller d’un clic).

Nous entrons dans une ère de l’écrit instable, effaçable, modifiable à tout moment et dont la durée de vie est incertaine. Quelques exemples : j’ai déjà modifié à trois reprises mon recueil de nouvelles numérique. En littérature, les expériences sur le mode du cadavre exquis se multiplient : un auteur commence un texte, un autre auteur le continue, un troisième peut intervenir et modifier un personnage, un lieu comme dans Les 807 d’Éric Chevillard… La technologie nous permet d’intervenir vite, d’ajouter, de modifier en quelques minutes un extrait de texte ou un texte entier.

Dans un tel contexte, les définitions auteur, lecteur ou éditeur ne sont plus tout à fait aussi nettes. Si L’auteur/éditeur existait déjà, on remarque qu’avec les nouvelles technologies, l’auteur peut encore plus facilement éditer ses oeuvres ou celles d’autres auteurs. La technologie le lui permet plus aisément et à moindre coût. Mais, sans doute, le mot, dont la définition se trouve la plus en mutation, est celui de lecteur.

Le lecteur ne se contente plus de lire, il écrit.

Abeline Majorel recense en France 600 blogs de lecteurs (lectrices, car ces blogs sont tenus principalement par des femmes) qui écrivent en émettant des avis favorables ou défavorables sur leurs lectures. S’ajoute à cela les sites littéraires et les blogs d’écrivains dont les thèmes et sujets vont de la pure création littéraire à la simple promotion de leurs livres. Quelques blogs de création Lit : Laure Morali, IsabelleP_B, Anne Savelli,  Pierre Ménard, Franck Queyraud, et un blog plein d’infos pour l’auteur/éditeur de Jiminy Panoz .

Après la démocratisation de la lecture, c’est l’écriture qui se démocratise sous nos yeux et sur nos écrans.

Les définitions semblent ne plus contenir la fonction s’élargissant des mots et les définitions deviennent floues. Pourtant si vous consultez les sites littéraires ou d’informations, vous constaterez que le vocabulaire n’a pas changé et vous serez amusé de lire ces vieilles classifications : si vous êtes éditeur… Si vous êtes auteur… Si vous êtes lecteur… Si vous êtes chroniqueur… Vous vous surprendrez à correspondre au moins à deux catégories !

Gare de Venise, Italie

Aujourd’hui, rien n’empêche tout lecteur d’être chroniqueur ou auteur, tout auteur d’être éditeur ou chroniqueur, tout éditeur d’être chroniqueur ou auteur… Et même d’être tout à la fois !

Le lecteur a changé, il lit depuis plusieurs générations sur papier comme sur écran. Sa fonction bouge, ses attentes évoluent aussi. Certains auteurs sollicitent les lecteurs, leur demandant leurs avis ou leur proposant d’écrire une suite à leurs histoires.

La fonction du lecteur (celui qui lit) demeure au centre de la création littéraire, car il reste difficile d’imaginer une littérature qui ne serait pas lue. Que nous soyons auteurs, lecteurs, éditeurs ou chroniqueurs, nous n’avons pas d’autre choix que de redéfinir et réinventer la relation qui nous unit.

L’écrit, grâce aux nouvelles technologies, nous entraîne avec lui dans le champ de l’ instable pour la première fois dans notre histoire. L’écrit et ce qui le compose (les mots) ont perdu de leur permanence.

Textes et photos © Chris Simon

GOINGmobo, the magazine of the Mobile Bohemian

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À suivre…

Deuxième volet d’un état des lieux et analyse de la situation et de la condition de l’auteur, de ses difficultés et de son devenir. Lire le volet 1 et le volet 3

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Références :

Écouter et Voir Clarisse Herrenschmidt  ICI

Lire Clarisse Herrenschmidt :

Les propos que je retransmets de Clarisse Herrenschmidt sont extraits de son intervention à la Cantine de Paris (@SiliconSentier) le 15 mars 2012, dans le cadre de la journée : Le Numérique… Partout, organisée par les  « Chroniques de la rentrée littéraire » en partenariat avec les Cantines de France. J’espère ne pas avoir mal interprété ses propos.

Suivre : Abeline Majorel, fondatrice du blog « Chroniques de la rentrée littéraire » et du prix Grand prix littéraire du web